Le Président de la République décrète :
CHAPITRE I
DISPOSITIONS GENERALES
Article 1er :
(1) Il est créé une Commission nationale anti-corruption, ci-après désignée " la Commission ", en abrégé (CONAC).
(2) La Commission est placée sous l'autorité du président de la République.
(3) Son siège est fixé à Yaoundé.
Article 2 :
(1) La Commission est un organisme public indépendant chargé de contIibuer à la lutte contre la corruption.
(2) A ce titre, elle a notamment pourmissions :
- de suivre et d'évaluer l'application effective du plan gouvernemental de lutte contre la corruption ;
- de recueillir, de centraliser et d'exploiter les dénonciations et informations dont elle saisie pour des pratiques, faits ou actes de corruption et intractions assimilées ;
- de mener toutes études ou investigations et de proposer toutes mesures de nature à prévenir ou à juguler la corruption ;
- de procéder, le cas échéant, au contrôle physique de l'exécution des projets, ainsi qu'à l'évaluation des conditions de passation des marchés publics ;
- de diffuser et de vulgariser les textes sur lalutte contre la corruption ;
- d'identifier les causes de la corruption et de proposer aux autorités compétentes des mesures susceptibles de permettre de l'éliminer dans tous les services publics ou parapublics ;
- d'accomplir toute autre mission à elle confiée par le président de la République.
Article 3 :
(1) La Commission peut se saisir de pratiques, faits ou actes de corruption et infractions assimilées dont elle a connaissance.
(2) La Commission peut également être saisie par toute personne physique ou morale de plainte ou de dénonciation pour faits ou actes de corruption.
(3) La Commission est tenue de protéger ses sources d'information. Toutefois, si la volonté avérée de nuire du dénonciateur est établie, la Commission lève la protection de la source concernée à la demande du tribunal.
CHAPITRE II
DE L'ORGANISATION
Article 4 : La Commission comprend :
- le comité de coordination ;
- le secrétariat permanent
SECTION I
DU COMITE DE COORDINATION
Article 5 : Placé sous l'autorité du président de la Commission, le comité de coordination est chargé :
- d'établir des rapports directs avec les membres du gouvernement et les dirigeants des administrations publiques et parapubliques ;
- d'autoriser les missions des membres de la Commission ;
- de la discipline, de l'efficience, et de l'efficacité des membres et des personnels de la. Commission ;
- d'élaborer un programme annuel d'activités de la Commission conformément à ses missions, et de veiller à sa mise en œuvre.
Article 6 : Outre le président et le vice-président, le comité de coordination comprend neuf (9) membres choisis parmi des personnalités ayant fait preuve de probité dans l'exercice de leur fonction et jouissant d'une bonne moralité, provenant de l'administration et de la société civile.
Article 7 : Les membres de la Commission doivent avoir une expérience professionnelle avérée dans les domaines relevant du mandat de la Commission.
Article 8 :
(1) Le président, le vice-président de la Commission et les membres du Comité de coordination sont nommés par décret du Président de la République pour une durée de trois ans renouvelable une fois.
(2) Toutefois, en cas de faute lourde, il peut être mis fin à tout moment aux fonctions du président de la Commission ou des membres du comité de coordination.
(3) En cas de poursuites judiciaires ou de conflit d'intérêt manifeste, l'autorité de nomination procède à la suspension des fonctions du membre de la Commission concerné.
Article 9 :
(1) En cas de décès en cours de mandat ou dans tous les cas où le président de la Commission ou un membre du comité de coordination n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, il est pourvu à son remplacement.
(2) En cas d'empêchement temporaire ou de suspension du président de la Commission, le vice-président assure les fonctions de président jusqu'à la fin de la période d'empêchement ou de suspension.
SECTION II
DU SECRETARIAT PERMANENT
Article 10 : Placé sous l'autorité d'un secrétaire permanent, principal collaborateur administratif du président de la Commission, le secrétariat permanent est chargé :
- d'instruire les affaires de la Commission ;
- de coordonner les activités des structures de la Commission ;
- de veiller à la formation et au recyclage des personnels de la Commission ;
- d'assister les membres de la Commission en mission d'investigation ;
- de participer à la recherche des preuves dans le cadre des enquêtes menées par la Commission ;
- de la collecte, de la centralisation et de l'exploitation des informations et dénonciations relatives aux pratiques, faits et actes de corruption ou infraction assimilées ;
- des études relatives au renforcement des capacités des organes de lutte contre la corruption ;
- de l'exploitation des rapports des cellules ministérielles de lutte contre la corruption ;
- de la préparation des réunion et de l'élaboration des rapports séquentiels et annuels de la CONAC ;
- du suivi de la mise en œuvre des recommandations de la Commission.
Article 11 : Le secrétariat permanent comprend :
- la division des investigations ;
- la division de la prévention et de la communication ;
- la division des étuaes et de la coopération ;
- le service du courrier et des archives ;
- le service des affaires générales ;
- le service de la traduction.
Art. 12 :
(1) Placée sous l'autorité d'un chef de division, la division des investigations est chargée :
- d'assister les membres de la Commission en mission d'investigation ;
- de participer à la recherche des preuves dans le cadre des enquêtes menées par la Commission ;
- des enquêtes spécifiques prescrites par le président de la Commission ;
- de la collecte, de la centralisation et de l'exploitation desinformations et dénonciations relatives aux pratiques, faits et actes de corruption ou infractions assimilées ;
- de la préparation des missions de la Commission ;
- du suivi des poursuites judiciaires et disciplinaires ;
- de toutes autres missions qui peuvent lui être confiées par le président de la Commission ou le secrétaire permanent.
(2) Elle comprend, outre le chef de Division, cinq chargés d'études et cinq chargés d'études assistants.
Article 13 :
(1) Placée sous l'autorité d'un chef de division, la division de la prévention et de la communication, est chargée :
- de proposer des mesures de prévention et d’éradication de la corruption ;
- de l’information du public sur les activités de prévention et de lutte contre la conuption ;
- des actions d'éducation et de sensibilisation du public à la lutte contre la corruption ;
- de l'élaboration et de la mise en œuvre du plan de communication de la Commission ;
- de toutes autres missions qui peuvent lui être confiées par le président de la Commission.
(2) Elle comprend, outre le chef de division, deux chargés d'études et trois chargés d'études assistants.
Article 14 :
(1) Placée sous l'autorité d'un chef de division, la division des études et de la coopération est chargée :
- des études relatives au renforcement des capacités des organes de lutte contre la corruption ;
- de l'élaboration des statistiques et indicateurs de performance ;
- du développement du partenariat avec les organismes nationaux et internationaux de lutte contre la conuption ;
- de la collecte et la conservation de la documentation ;
- de la constitution d'un fonds documentaire
- de toutes autres études qui peuvent lui être confiées par le président de la Commission ou le secrétaire permanent
(2) Elle comprend, outre le chef de division, deux chargés d'études et trois chargés d'études assistants.
Article 15 : Placé sous l'autorité d'un chef de service, le service du courrier et des archives est chargé de :
- la réception et la ventilation du courrier à l'arrivée et au départ ;
- a tenue du fichier et des archives.
Article 16 : Placé sous l'autorité d'un chef de service, le service des affaires générales est chargé :
- de la gestion des personnels ;
- de l'élaboration ettIe l'exécution du budget ;
- de l'élaboration d'un rapport trimestriel et annuel de gestion et d'exécution du budget ;
- d'établir les ordres de mission à soumettre à la signature du président de la Commission ;
- de la gestion, de la maintenance et de la conservation des matériels ;
- de la conception et de la mise en œuvre du schéma directeur informatique de la Commission ;
- des études de développement, de l'exploitation et de la maintenance du réseau et des applications informatiques de la Commission ;
- de la mise en place des banques et des bases de données relatives aux différents sous-systèmes informatiques de la Commission ;
- de la sécurisation, de la disponibilité et de l'intégrité du système informatique de la Commission.
Article 17 : Placé sous l'autorité d'un chef de service assisté d'un chef de service adjoint,
le service de la traduction est chargée de la. traduction courante des documents pour le compte de la Commission.
CHAPITRE III
DU FONCTIONNEMENT
Article 18 :
(1) Le Comité de coordination se réunit au moins une fois par mois, sur convocation de son président
(2) Le Comité de coordination ne peut valablement délibérer qu'en présence des deux tiers de ses membres.
(3) Les décisions du Comité de coordination sont prises à la majorité simple des membres présents. En cas de partage des voix, celle du président de la Commission est prépondérante.
Article 19 : La Commission doit mener les investigations nécessaires, dans des délais raisonnables, dès réception d'une dénonciation ou saisine.
Article 20 : Les membres de la Commission disposent de pouvoirs de suivi, d’évaluation et d’investigation dans l’accomplissement de leur mission.
A ce titre, tout membre en mission :
- a un droit d'accès à tous les services publics, parapublics et privés ainsi qu'à tous les documents et informations nécessaires à l'exécution de leur mission ;
- peut requérir toute l'autorité habilitée à l’effet de lui prêter main forte ou de l’assister dans l'exercice de sa mission ;
- est habilité à adresser des demandes d'informations à tout agent public, titulaire ou non d'un poste de responsabilité, ainsi qu'à toute personne physique ou morale adjudicataire d'un marché public.
Article 21 :
(1) Tout refus d'apporter à un membre de la Commission agissant dans l'exercice de ses fonctions Ia: collaboration ou le soutien requis est susceptible d'entraîner des poursuites disciplinaires ou administratives.
(2) Lorsque le refus provient d'un membre du gouvernement ou d'un dirigeant d'une entreprise publique ou parapublique, rapport en est fait immédiatement au président de la République.
Article 22 :
(1) Les résultats des investigations de la Commission donnent lieu à des poursuites disciplinaires ou judiciaires.
(2) En cas de constatation d'actes ou de
faits susceptibles d'être qualifiés de corruption ou de tout délit connexe, la Commission réunit les éléments de preuve et transmet le dossier constitué au président de la République que les décisions appropriées.
(3) Toutefois, pour constater un cas de flagrant délit, à la suite d'une dénonciation, la Commission fait appel aux services compétents de l'Etat ; le président de la Commission peut saisir directement le ministre chargé de la Justice, et il en informe l'employeur du ou des mis en cause.
Article 23 :
(1) Le président de la Commission et les membres du comité de coordination peuvent suivre les poursuites devant les tribunaux.
(2) A cet effet, le président de la Commission désigne un représentant de la commission.
Article 24 :
(1) Le programme d'action annuel de la Commission est approuvé par le président de la République.
(2) Chaque mission de la Commission donne lieu à la rédaction d'un rapport adressé au président de la République, et aux administrations chargées de la mise en œuvre de ses recommandations.
(3) La Commission élabore à la haute attention du président de la République, un rapport annuel sur l'état de la lutte contre la corruption.
(4) Ce rapport annuel est rendu public.
CHAPITRE IV
DES DROITS ET OBLIGATIONS DES MEMBRES DE LA COMMISSION
Article 25 :
(1) Les membres de la Commission sont astreints au secret professionnel. Ils prêtent serment devant la Cour suprême.
(2) La formule du serment est la suivante : " Je m'engage à remplir avec probité ma mission sans faveur ni haine et en toute indépendance, conformément à la Constitution, aux lois et règlements de la République".
Article 26 :
(1) L'Etat est tenu d'assurer la protection des membres de la Commission contre les menaces, outrages, violences, voies de fait, injures ou diffamations dorit ils peuvent être victimes en raison ou à l'occasion deJ'exercice de leurs fonctions.
(2) L'Etat est tenu de réparer le préjudice subi par les membres de la Commission du fait de ses actes. Dans ce cas, l'Etat est d'office subrogé aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des faits incriminés la restitution des sommes versées par lui au membre intéressé de la Commission à titre de dédommagement et de touts autres frais engagés.
(3) Sous réserve du respect de la Constitution, des lois et règlements en vigueur, les membres de la Commission ne peuvent être poursuivis, recherchés, arrêtés ou détenus pour des opinions ou des actes commis dans ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
CHAPITRE V
DISPOSITIONS FINANCIERES
Article 27 : Les ressources de la Commission sont constituées :
- des dotations inscrites au budget de l'Etat ;
- des fonds provenant des partenaires au développement ;
- des dons et legs de toute nature ;
- de toutes autres ressources éventuelles.
Article 28 :
(1) La Commission dispose d'une caisse d'avance spéciale pour la gestion d'une partie des dotations inscrites à son budget
(2) Elle peut ouvrir un compte bancaire pour les autres ressources.
Article 29 : L'acceptation des ressources autres que celles de l'Etat est soumise à l'approbation préalable du président de la République.
Article 30 : Le président de la Commission est l' ordonnateur du budget.
Article 31 :
(1) Les ressources inscrites au budget de la Commission sont soumises aux règles de la comptabilité publique et son gérées conformément aux lois et règlements en vigueur.
(2) Les fonds provenant des partenaires, les dons et legs sont gérés suivant les conditions définies d'accord parties et présentés selon les règles de la comptabilité publique.
Article 32 : La gestion des fonds de la Commission est soumise au contrôle des services compétents de l'Etat.
CHAPITRE VI
DISPOSITIOLL'I RELATIVES AUX RESSOURCES HUMAINES
Article 33 : La Commission peut faire appel à des collaborateurs occasionnels ou à des
experts assermentés.
Article 34 :
(1) Le personnel de la Commission est constitué de fonctionnaires ou d'agents de l'Etat mis à sa disposition ou affectés par l'administration.
(2) Toutefois, en cas de nécessité, la Commission peut procéder au recrutement d'un personnel propre.
Article 35 :
(1) Le secrétaire permanent est nommé par décret du Président de la République.
(2) Les chefs de di vision, les chargés d'études, les chargés d'études assistants, les chefs de service et les chefs de service adjoints sont nommés par décision du président de la Commission à la suite d'une résolution du comité de coordination.
Article 36 : Le statut du personnel, la nature et les taux des avantages auxquels peuvent prétendre le président de la Commission, le vice-président, les membres du comité de coordination et les responsables ainsi que les autres personnels sont fixés par le comité de coordination après approbation du Président de la République.
CHAPITRE VII
DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES
Article 37 : La commission élabore et adopte son règlement intérieur.
Article 38 : Des textes particuliers du Premier ministre précisent, en tant que de besoin, les modalités d'application des dispositions du présent décret.
Article 39 : Sont abrogées toutes dispositions contraires au présent décret, notamment celles de l'arrêté N° 001/PM du 4 janvier 2000 portant création d'un observatoire de lutte contre la corruption.
Article 40 : Le présent décret sera enregistré et publié suivant la procédure d'urgence, puis inséré au Journal Officiel en français et en anglais.
Yaoundé, le 11 mars 2006
Le Président de la République,
(é) Paul Biya