LIVRE II
DE LA CONSTATATION ET DE LA POURSUITE DES INFRACTIONS
TITRE I
DE L'ACTION PUBLIQUE ET DE L'ACTION CIVILE
Article 59:
(1) Toute infraction peut donner lieu à une action publique et, éventuellement, à une action civile.
(2) L'action publique tend à faire prononcer contre l'auteur d'une infraction, une peine ou une mesure de sûreté édictée par la loi.
(3) L'action civile tend à la réparation du dommage causé par une infraction.
Article 60 : L'action publique est mise en mouvement et exercée par le Ministère Public. Elle peut aussi être mise en mouvement par une administration ou par la victime, dans les conditions déterminées par la loi.
Article 61 : L'action civile peut être exercée en même temps que l'action publique devant la même juridiction lorsque les deux résultent des mêmes faits.
Elle peut aussi être exercée séparément de l'action civile. Dans ce cas, la juridiction saisie de l'action civile sursoit à statuer jusqu'à décision définitive sur l'action publique.
Article 62 :
(1) L'action publique s'éteint par :
a) La mort du suspect, de l'inculpé, du prévenu ou de l'accusé ;
b) La prescription ;
c) L'amnistie ;
d) L'abrogation de la loi ;
e) La chose jugée ;
f) La transaction lorsque la loi le prévoit expressément ;
g) Le retrait de la plainte, lorsque celle-ci est la condition de la mise en mouvement de l'action publique ;
h) Le retrait de la plainte, le désistement de la partie civile en matière de contravention et de délit, lorsqu'elle a mis l'action publique en mouvement.
(2) Les dispositions de l'alinéa (1) (h) ci-dessus ne sont applicables que si :
- Le désistement ou le retrait de la plainte est volontaire;
- II n'a pas encore été statué au fond; les faits ne portent atteinte ni à l'ordre public ni aux bonnes mœurs;
- En cas de pluralité de parties civiles, toutes se désistent ou retirent leur plainte;
- Le désistement ou le retrait de la plainte n'est pas suscité par la violence, le dol ou la fraude.
(3) Dans le cas prévu à l'alinéa 2 ci-dessus, le Tribunal donne acte à la partie civile de son désistement ou du retrait de sa plainte et la condamne aux dépens.
Article 63 : Lorsqu'une juridiction a été saisie à la fois de l'action publique et de l'action civile, la survenance d'un des événements prévus à l'article 62 (1) ci-dessus laisse subsister l'action civile, sauf dans le cas visé à l'alinéa 1 (h) dudit article. La juridiction saisie statue sur celle-ci.
Article 64 :
(1) Le Procureur Général près une Cour d'Appel peut, sur autorisation écrite du Ministre chargé de la Justice, requérir par écrit puis oralement, l'arrêt des poursuites pénales à tout stade de la procédure avant l'intervention d'une décision au fond, lorsque ces poursuites sont de nature à compromettre l'intérêt social ou la paix publique.
(2) Dans le cas prévu au paragraphe 1 du présent article, le Juge d'Instmction ou la juridiction de jugement constate un dessaisissement sur l'action publique et donne mainlevée des mandats éventuellement décernés contre le bénéficiaire de l'arrêt des poursuites.
(3) Lorsque l'action publique a été arrêtée en application de l'alinéa 1er, le Juge d'Instruction ou la juridiction de jugement poursuit l'instruction ou l'examen de l'affaire sur l'action civile.
(4) L'arrêt des poursuites n'empêche pas leur reprise lorsque celles-ci se révèlent nécessaires.
(5) En dehors des cas prévus à l'alinéa 1er ci-dessus et à l'article 62 (1) h), l'action publique ne doit être, de que!que façon que ce soit, à peine de prise à partie contre le magistrat intéressé, ni suspendue, ni arrêtée.
Article 65 :
(I) La prescription est l'extinction de l'action publique résultant du non-exercice de celle-ci avant l'expiration du délai prévu pour agir.
(2) En matière de crime, l'action publique se prescrit par dix années à compter du lendemain du jour où le crime a étécommis, si dans cet intervalle, il n'est intervenu aucun des actes visés à l'article 66.
(3) Si l'un des actes a été effectué dans cet intervalle de temps, l'action publique ne se prescrit qu'après dix années révolues à compter du lendemain de la date de cet acte.
(4) En matière de délit, sous réserve des dispositions spécifiques à certaines infractions, le délai de prescription de l'action publique est de trois années. Il se calcule suivant les distinctions spécifiées aux alinéas (2) et (3).
(5) En matière de contravention, le délai de prescription de l'action publique est d'une année. Il se calcule suivant les distinctions spécifiées aux paragraphes (2) et (3).
(6) En cas de poursuites pour des infractions connexes, le délai de prescription est celui prévu pour l'infraction la plus sévèrement réprimée.
Article 66 : Constituent des actes interruptifs de la prescription de l'action publique: le dépôt d'une plainte, les instructions écrites du Ministère public prescrivant des mesures d'enquête, les exploits d'huissiers, les procès-verbaux d'enquête de police, les mandats de justice, l'interrogatoire de l'inculpé, du prévenu ou de l'accusé et l'audition de la partie civile, du civilement responsable, des témoins et de l'assureur à l'information judiciaire ou à l'audience, les jugements avant-dire-droit et les déclarations de recours.
Article 67 : Les actes interruptifs de la prescription de l'action publique produisent effet même à l'égard des personnes qui ne sont pas impliquées ou désignées dans ces actes.
Article 68 :
(1) Le délai de prescription est suspendu par tout obstacle de droit ou de fait qui empêche la mise en mouvement de l'action publique.
(2) Constituent des obstacles de droit :
a) l'invocation d'une exception préjudicielle à la décision sur l'action publique ;
b) l'immunité parlementaire ;
c) l’attente d'une autorisation légale préalable à la poursuite ;
d) le pourvoi en cassation ;
e) l'existence d'un conflit de juridiction.
(3) Constituent notamment des obstacles de fait :
a) l'invasion du territoire par les armées ennemies ;
b) la démence du suspect, de l'inculpé, du prévenu ou de l'accusé survenue postérieurement à la commission de l'infraction ;
c) la fuite du suspect, de l'inculpé, du prévenu ou de l'accusé ;
d) l'inscription des affaires au rôle d'une audience ;
e) les renvois de cause constatés au plumitif ;
f) le fait pour une juridiction de ne pas accomplir un acte de sa compétence empêchant ainsi une partie au procès d'agir ou de se défendre.
Article 69 :
(1) La prescription de l'action publique est d'ordre public.
(2) La durée de la prescription se détermine suivant la qualification donnée à l'infraction par la juridiction de jugement au moment où elle statue sur l'action publique.
Article 70 : Le désistement de l'action civile ne peut suspendre l'exercice de l'action publique, sauf dispositions contraires de la loi.
Article 71 :
(1) L'action civile née d'une infraction appartient à toute personne physique ou morale qui a subi un préjudice.
Toutefois, le mineur non émancipé ou toute personne frappée d'une incapacité ne peut exercer lui-même l'action civile devant la juridiction que par l'intermédiaire de son représentant légal.
(2) L'action civile dirigée contre une personne incapable doit l'être à travers son représentant. Elle ne met point en cause le patrimoine de ce dernier.
Article 72 : L'assureur de responsabilité peut, à la demande de la victime de l'in fraction ou du civilement responsable, être cité à comparaître devant la juridiction saisie pour s'entendre condamner, solidairement avec l'accusé, à réparer le préjudice causé par l'infraction.
Article 73 : En cas de décès de la victime, l'action civile est dévolue à ses ayants cause.
Article 74 :
(1) Les associations, syndicats et ordres professionnels ne peuvent exercer l'action civile à l'occasion d'une procédure répressive qu'à la condition d'invoquer un dommage certain et un intérêt collectif ou professionnel.
(2) L'assureur de responsabilité de la partie civile ou du civilement responsable est irrecevable à solliciter, dans une procédure répressive, la condamnation du prévenu au paiement de débours par lui effectués en vertu du contrat d'assurance.
Article 75 :
(1) L'action civile jointe à une action répressive n'est recevable que si elle est fondée sur un préjudice direct, certain et actuel.
(2) Sauf dispositions contraires de la loi, l'action civile née d'une infraction se prescrit par trente (30) années même si elle est jointe à une action répressive.
Article 76 : Une partie qui a engagé un procès civil pour des faits déterminés peut, par la suite, à propos des mêmes faits, soit se joindre à une action du Ministère Public, soit mettre l'action publique en mouvement à condition de se désister, dans le procès civil.
Article 77 : Sous réserve des conventions internationales, les dispositions de l'article 76 sont inapplicables lorsque le procès civil a été engagé devant un tribunal étranger.
TITRE II
DE LA POLICE JUDICIAIRE ET DES AUTORITES CHARGEES DES ENQUETES DE POLICE JUDICIAIRE
CHAPITRE I
DE LA POLICE JUDICIAIRE
Article 78 :
(1) La police judiciaire est exercée, sous la direction du Procureur de la République, par les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire et tous autres fonctionnaires ou personnes auxquels des lois spéciales confèrent des pouvoirs de police judiciaire.
(2) Les personnes énumérées à l'alinéa 1er sont, en cette qualité, des auxiliaires du Procureur de la République.
(3) La police judiciaire est placée, dans le ressort de chaque Cour d'Appel, sous le contrôle du Procureur Général qui apprécie, à la fin de chaque année, l'activité de police judiciaire des fonctionnaires visés à l'alinéa 1er du présent article.
SECTION I
DE LA QUALITE D'OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE
Article 79 : Ont la qualité d'officier de police judiciaire :
a) les officiers et sous-officiers de la gendarmerie ;
b) les gendarmes chargés même par intérim, d'une brigade ou d'un poste de gendarmerie ;
c) les commissaires de police ;
d) les officiers de police ;
e) les gendarmes et les inspecteurs de police ayant satisfait à un examen d'officier de police judiciaire et ayant prêté serment ;
f) les fonctionnaires exerçant même par intérim les fonctions de chef d'un service extérieur de la Sûreté Nationale.
Article 80 : Les fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des textes spéciaux attribuent certaines compétences de police judiciaire, les exercent dans les conditions et limites fixées par ces textes.
Article 81 :
(1) Les gendarmes non officiers de police judiciaire, les inspecteurs de police et les gardiens de la paix ont la qualité d'agents de police judiciaire.
Ils assistent les officiers de police judiciaire dans l'exercice de leurs fonctions, et rendent compte à leurs supérieurs hiérarchiques de toute infraction dont ils ont connaissance.
(2) Les agents de police judiciaire n'ont pas qualité pour décider des mesures de garde à vue.
SECTION II
DES ATTRIBUTIONS ET DEVOIRS DE LA POLICE JUDICIAIRE
Article 82 : La police judiciaire est chargée :
a) de constater les infractions, d'en rassembler les preuves, d'en rechercher les auteurs et complices et, le cas échéant de les déférer au parquet ;
b) d'exécuter les commissions rogatoires des autorités judiciaires ;
c) de notifier les actes de justice ;
d) d'exécuter les mandats et décisions de justice.
Article 83 :
(1) Outre les attributions définies à l'article 82, les officiers de police judiciaire reçoivent les plaintes et les dénonciations. Ils procèdent à des enquêtes préliminaires dans les conditions prévues par les articles 116 à 120.
(2) En cas de crime et délits flagrants, ils exercent les pouvoirs qui leur sont conférés par les articles 104 à 115.
(3) Ils ont le droit de requérir directement le concours de la force de l'ordre pour l'exécution de leur mission.
(4) lis reçoivent du Procureur de la République mission d'effectuer toute enquête ou complément d'enquête qu'il juge utile.
(5) Le Procureur de la République peut décharger d'une enquête tout officier de police judiciaire. Dans ce cas, il communique les motifs de sa décision au supérieur hiérarchique direct de l'officier dessaisi.
Article 84 : L'officier de police judiciaire saisi le premier d'une infraction est, sous réserve des pouvoirs conférés au Procureur de la République par l'article 83 (5), seul compétent pour effectuer l'enquête.
Toutefois, il doit se dessaisir d'office en faveur des agents visés à l'article 80 ci-dessus en raison de leur compétence.
Article 85 : L'officier de police judiciaire non militaire peut enquêter sur une infraction prévue dans le Code de Justice Militaire tant qu'aucun officier de police judiciaire militaire n'est disponible.
Dans ce cas, il transmet le dossier au Ministre chargé de la Justice Militaire.
Article 86 :
(1) Les officiers de police judiciaire sont habilités à contrôler et à vérifier l'identité et la situation de toute personne suspecte, conformément aux dispositions de l'article 32 et à user, le cas échéant à son encontre, d'une mesure de garde à vue spéciale n'excédant pas 24 heures.
(2) A l'expiration du délai prévu à l'alinéa 1er, la personne gardée à vue est, à moins que cette mesure ne se justifie par une autre cause légale, immédiatement remise en liberté sous peine de poursuites à l'encontre de l'officier de police judiciaire, conformément à l'article 291 du Code Pénal.
Article 87 :
(1) Les officiers de police judiciaire peuvent en outre, dans tout lieu public ou ouvert au public, procéder ou faire procéder à la fouille de toute personne soupçonnée de porter une arme ou tout autre objet de nature à servir à la commission d'une infraction.
(2) La fouille à corps ne doit être opérée que par une personne de même sexe que le suspect.
Elle peut être effectuée en public ou en privé.
(3) Le droit de fouille prévu à l'alinéa 2 peut s'étendre aux véhicules, aux passagers et aux bagages.
(4) Dans tous les cas, la personne à fouiller doit être au préalable informée des motifs de la fouille.
(5) La fouille ne doit en aucun cas être faite avec l'intention de soumettre la personne à fouiller ou un tiers à une forme quelconque d'humiliation ou de vice.
Article 88 :
(1) Les officiers de police judiciaire exercent leurs fonctions dans les limites territoriales définies par la réglementation en vigueur.
Toutefois, dans l'hypothèse d'une enquête diligentée par un officier de police judiciaire des services centraux ou provinciaux, celui-ci est tenu d'en référer au Procureur de la République du lieu de ses investigations, de qui il reçoit éventuellement toutes les directives nécessaires.
(2)
a) L'officier de police judiciaire peut, sur commission rogatoire du Juge d'Instruction ou de la juridiction de jugement, instrumenter sur toute l'étendue du territoire national. Il doit, dans ce cas, être assisté d'un officier de police judiciaire exerçant ses fonctions dans la circonscription territoriale où il se transporte.
b) Le Procureur de la République du ressort où l'officier de police judiciaire se transporte en est informé par le Procureur de la République de la juridiction dont émane la commission.
Article 89 :
(1) L'officier de police judiciaire est tenu d'informer sans délai le Procureur de la République des infractions dont il a connaissance.
(2) Dès la clôture de l'enquête, il doit lui faire parvenir directement l'original et une copie des procès-verbaux qu'il a dressés, ainsi que tous autres documents y relatifs.
(3) Les objets saisis sont inventoriés et déposés sous scellé au parquet du Procureur de la République; copie du procès verbal de saisie est remise au détenteur de ces objets.
Article 90 :
(1) Le procès-verbal doit énoncer :
a) les date et heure du début et de la fin de chaque opération de l'enquête ;
b) les nom, prénoms, et qualité de l'enquêteur ;
c) le cas échéant, l'autorisation prévue à l'article 88 (2).
(2) Chaque feuillet de l'original du procès-verbal ou du carnet de déclarations porte la signature de l'enquêteur.
(3) Lorsque tout ou partie d'un procès-verbal est consacré à une audition ou à une confrontation, les personnes entendues ou confrontées doivent, après lecture et si nécessaire, interprétation, être invitées à parapher chaque feuillet du carnet ou du procès-verbal d'audition ou de confrontation, et approuver par leurs paraphes les ratures, surcharges et renvois. L’interprète est également appelé à parapher les feuillets, ratures, surcharges ou renvois. Toute rature, surcharge ou renvoi non approuvé est nul.
(4) La dernière page du procès-verbal ou du carnet de déclarations est signée de l'enquêteur, des déclarants et, s'il y a lieu, de l'interprète.
(5) Toute personne invitée à signer un procès-verbal ou carnet et qui ne peut le faire, y appose l'empreinte de son pouce droit ou, à défaut, de tout autre doigt indiqué par l'enquêteur, lequel authentifie l'empreinte.
(6) En cas de refus, soit de signer, soit d'apposer une empreinte, l'enquêteur le mentionne dans le procès-verbal.
(7) Toute personne invitée à signer un procès-verbal ou carnet peut faire précéder sa signature de toute réserve qu'elle estime opportune. Cette réserve doit être explicite et exempte de toute ambiguïté.
(8) Toute personne appelée à faire une déclaration peut, soit la dicter à l'enquêteur, soit l'écrire dans le carnet de déclarations ou à défaut, sur toute autre feuille de papier.
Article 91 : Sauf dispositions contraires de la loi, les procès-verbaux dressés par les officiers de police judiciaire ont valeur de simples renseignements.
CHAPITRE II
DES ENQUETES DE POLICE
SECTION I
DISPOSITIONS GENERALES
Article 92 :
(1)
a) L'officier de police judiciaire peut, au cours d'une enquête, entendre toute personne dont les déclarations lui paraissent utiles à la manifestation de la vérité.
b) La personne convoquée est tenue de comparaître et de déposer; si elle ne comparaît pas, l'officier de police judiciaire en informe le Procureur de la République qui peut décerner contre elle mandat d'amener. Cette personne est conduite devant ce magistrat.
(2) I’officier de police judiciaire peut :
- procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies dans les conditions prévues aux articles 93 à 100 ;
- procéder à la garde à vue dans les conditions prévues aux articles 119 et suivants ;
- requérir tout expert et éventuellement toute personne susceptible de l'assister pendant une opération déterminée;
- requérir par écrit, avec effet immédiat, tout passage dans tout véhicule ou moyen de transport maritime, ferroviaire, terrestre ou aérien, public ou privé. L'original de la réquisition doit être laissé au transporteur.
(3) En cas de délit ou de crime puni d'une peine d'emprisonnement d'au moins 2 ans, l'officier de police judiciaire peut, sur autorisation écrite du Procureur de la République et sous le contrôle de ce dernier, dans les conditions prévues à l'article 245 et pendant la durée de l'enquête : intercepter, enregistrer ou transcrire toutes correspondances émises par voie de télécommunication; procéder à des prises de vue dans les lieux privés.
(4) Une personne entendue à titre de témoin ou de civilement responsable ne peut en aucun cas faire l'objet d'une garde à vue.
Article 93 :
(1) Les perquisitions et les saisies sont effectuées par l'officier de police judiciaire muni d'un mandat de perquisition.
Toutefois, il peut agir sans mandat en cas de crime ou délit flagrant.
(2) Toute perquisition ou saisie est opérée en présence du maître des lieux, du détenteur des biens à saisir ou leur représentant ainsi que deux témoins pris parmi les personnes présentes ou les voisins.
(3) Le maître des lieux, le détenteur des biens à saisir ou leur représentant ont le droit de fouiller l'officier de police judiciaire avant que celui-ci n'entreprenne la perquisition. Il doit être informé de ce droit et mention est faite au procès-verbal, de l'accomplissement de cette formalité.
(4) En cas d'absence du maître des lieux ou du détenteur des biens ou de leur représentant, et s'il y a urgence, le Procureur de la République peut, par écrit, autoriser l'officier de police judiciaire à effectuer la perquisition ou saisie en présence des témoins indiqués à l'alinéa (2) et d'un autre officier de police judiciaire ou de deux agents de police judiciaire.
(5) Lorsque l'officier de police judiciaire ne peut communiquer avec le parquet, il procède à la perquisition, et éventuellement, à la saisie dans les conditions déterminées à l'alinéa (4). Il fait mention de ses diligences dans le procès-verbal.
Article 94 :
(1) A défaut de mandat, les perquisitions et les saisies de pièces à conviction ne peuvent être effectuées qu'avec le consentement du maître des lieux ou du détenteur des biens à saisir.
(2) Le consentement doit faire l'objet d'une déclaration signée de l'intéressé ou suivie de son empreinte digitale, si celui-ci ne sait signer.
(3) Le consentement n'est valable que si la personne concernée a été préalablement informée par l'officier de police judiciaire qu'elle pouvait s'opposer à la perquisition.
Article 95 : Un officier de police judiciaire effectuant une perquisition à l'occasion d'une infraction déterminée ne peut opérer une saisie se rapportant à une autre infraction que si celle-ci est passible d'une peine d'emprisonnement.
Article 96 :
(1) Les objets saisis sont présentés au suspect ou s'il n'est pas présent, à son représentant ou à leur détenteur, à l'effet de les reconnaître et de les parapher s'il y a lieu. En cas de refus, il en est fait mention au procès-verbal.
(2) Sous réserve des dispositions de l'article 97, les objets saisis sont, dans tous les cas, présentés aux témoins aux fins de les reconnaître et de les parapher, s'il y a lieu.
(3)
a) Les objets saisis sont, séance tenante, inventoriés, décrits avec précision et placés sous scellé.
b) Si leur inventaire sur place présente des difficultés, ils font l'objet de scellés fermés provisoires, jusqu'à leur inventaire et leur mise sous scellé définitive et ce, en présence des personnes visées à l'article 93 alinéa (2).
c) Si les dimensions des objets saisis ou les nécessités de leur conservation l'imposent, ils sont placés sous scellé sans sac ni enveloppe.
Article 97 : Lorsque l'officier de police judiciaire procède à une perquisition, il a seul le droit de prendre connaissance du contenu des papiers ou documents trouvés sur les lieux de l'opération avant de les saisir. Il est tenu au secret professionnel.
Article 98 :
(1) Le procès-verbal de perquisition et de saisie est dressé conformément aux dispositions de l'article 90. est est signé par le maître des lieux, le détenteur des biens ou leur représentant, les témoins et éventuellement les autres personnes qui ont participé à ces opérations.
(2) Le procès-verbal indique les nom, prénoms, qualités, filiations, dates et lien de naissance ainsi que le domicile des signataires.
Article 99 :
(1) Toute perquisition dans un lieu privé est interdite entre dix-huit (18) heures et six (6) heures du matin.
(2) Une perquisition commencée avant dix-huit (18) heures peut se poursuite au-delà sur autorisation du Procureur de la République.
(3) En cas d'impossibilité matérielle de joindre le Procureur de la République, l'officier de police judiciaire peut exceptionnellement poursuivre la perquisition au-delà de 18 heures à charge pour lui de l'en informer sans délai.
Article 100 : L'inobservation des formalités prescrites aux articles 93 à 99 est sanctionnée par la nullité de la perquisition et de la saisie.
Toutefois, les objets saisis au cours d'une perquisition déclarée nulle peuvent être admis comme pièces à conviction s'ils ne font l'objet d'aucune contestation.
Article 101 :
(1) L'officier de police judiciaire peut, au cours d'une enquête, charger tout autre officier de police judiciaire placé sous son autorité, d'une partie des investigations à effectuer.
(2) Les procès-verbaux dressés par le ou les officier(s) de police judiciaire délégué (s) doivent expressément contenir mention de cette délégation.
Article 102 :
(1) La procédure durant l'.enquête de police judiciaire est secrète. Toutefois, le secret de l'enquête n'est pas opposable au Ministère Public.
(2) Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel sous peine des sanctions prévues àl'article 310 du Code Pénal.
(3) Nonobstant les dispositions de l'alinéa 1, les officiers de police judiciaire peuvent, après visa du Procureur de la République, publier des communiqués et documents relatifs à certaines affaires dont ils sont saisis.
(4) Les communiqués et documents ainsi publiés par la police judiciaire doivent être diffusés sans commentaires par les organes de presse, sous peine des sanctions prévues aux articles 169 et 170 du Code Pénal.
SECTION II
DE LA FLAGRANCE DES CRIMES ET DES DELITS
Article 103 :
(1) Est qualifié crime ou délit flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre.
(2) Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque:
a) après la commission de l'infraction, la personne est poursuivie par la clameur publique ;
b) dans un temps très voisin de la commission de l'infraction, le suspect est trouvé en possession d'un objet ou présente une trace où indice laissant penser qu'il a participé à la commission du crime ou du délit ;
c) ll y a également flagrance lorsqu'une personne requiert le Procureur de la République ou un officier de police judiciaire de constater un crime ou un délit commis dans une maison qu'elle occupe ou dont elle assure la surveillance.
Article 104 :
(1)
a) En cas de crime flagrant, l'officier de police judiciaire avisé informe immédiatement le Procureur de la République.
b) Tout compte-rendu téléphonique ou verbal doit être confirmé dans les quarante huit heures par tout moyen laissant trace écrite.
c) Mention de ces diligences est faite au procès-verbal.
(2) L'officier de police judiciaire se transporte sans délai sur le lieu du crime et procède à toutes diligences utiles, notamment :
a) défendre, sous peine des sanctions prévues par le Code Pénal pour les témoins défaillants, à toute personne susceptible de le renseigner utilement, de s'éloigner sans son autorisation. Cette interdiction ne peut se prolonger au-delà de douze heures, sous peine de poursuites pénales pour séquestration ;
b) user, si nécessaire, de la garde à vue à l'encontre de toute personne suspecte ;
c) veiller à la conservation des indices et tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité ;
d) saisir tous objets ou documents qui ont servi ou devaient servir à la commission du crime ou qui apparaissent comme le produit de ce crime ;
e) en cas d'urgence, instrumenter hors de son ressort territorial conformément aux dispositions de l'article 88 (2) ;
f) effectuer des perquisitions aux domiciles des personnes suspectées, soit de détenir les pièces ou objets relatifs aux faits incriminés, soit d'avoir participé à la commission du crime.
Article 105 : Les objets qui ne sont pas utiles à la manifestation de la vérité sont, après accord écrit du Procureur de la République, restitués par l'officier de police judiciaire, contre décharge et sur procès verbal, à leur propriétaire ou à toute autre personne chez qui ils ont été saisis.
Article 106 :
1) Les perquisitions dans un cabinet d'avocat n'ont lieu que pour saisir les documents ou objets en rapport avec une procédure judiciaire ou lorsque lui-même est mis en cause ou que les documents ou objets concernés sont étrangers à l'exercice de sa profession.
(2) La perquisition est effectuée par le magistrat compétent en présence de l'avocat, du bâtonnier ou de son représentant.
Elle est effectuée dans les conditions qui préservent le secret professionnel et la dignité de l'avocat.
(3) Les formalités prévues par le présent article sont prescrites à peine de nullité.
Article 107 : Les perquisitions dans un cabinet de médecin, une étude de notaire, d'huissier de justice ou au bureau de toute autre personne tenue au secret professionnel, sont faites en présence du magistrat compétent et, le cas échéant, de l'intéressé et du représentant de son organisation professionnelle, s'il en existe une.
Article 108 : Sous réserve des nécessités de l'enquête, celui qui sans l'autorisation du suspect ou de son conseil, du signataire ou du destinataire d'un document saisi au cours d'une perquisition, en révèle le contenu à une personne sans qualité pour en prendre connaissance, est puni des peines prévues par le Code Pénal pour violation du secret professionnel.
Article 109 :
(1) S'il apparaît nécessaire au cours d'une enquête de police, d'établir ou de vérifier l'identité d'une personne, celle-ci doit, à la demande de l'officier de police judiciaire ou de l'un des fonctionnaires visés à l'article 78 (1), se prêter aux opérations qu'exige cette mesure.
(2) Le refus de se soumettre aux opérations prévues par le présent article constitue une contravention de quatrième classe.
Article 110 :
(1) Nonobstant les dispositions de l'article 88 (1) ci-dessus, l'officier de police judiciaire peut, en cas de flagrance et lorsque les nécessités de l'enquête l'exigent, se transporter, soit hors de son ressort territorial, soit hors du ressort territorial du parquet où il exerce ses fonctions, à l'effet de poursuivre ses investigations. Dans ce cas, il doit, sous peine de nullité des actes accomplis et de sanctions disciplinaires, obtenir l'autorisation du Procureur de la République de son ressort.
(2) Ce magistrat en avise, le cas échéant, le Procureur de la République du ressort du tribunal dans lequel l’officier de police judiciaire se transporte.
(3) L'officier de police judiciaire doit, à son arrivée et avant de poursuivre l'enquête, se présenter au Procureur de la République compétent et dans tous les cas, à l'officier de police judiciaire compétent avant de procéder à l'enquête.
Article 111 : En cas de crime flagrant, le Procureur de la République est compétent pour diligenter l'enquête.
L'arrivée du Procureur de la République sur les lieux de l'infraction dessaisit de plein droit l'officier de police judiciaire qui s'y trouvait, à moins que ce magistrat n'en décide autrement.
Article 112 : Le Procureur de la République peut décerner mandat d'amene contre toute personne soupçonnée d'avoir participé à la commission du crime. Il l'interroge sur-le-champ dès son arrivée.
Il ne peut engager des poursuites contre le suspect d'un crime flagrant que par la voie de l'information judiciaire.
Article 113 : Les dispositions des aJrticle 104 à 112 sont applicables en cas de déU flagrant.
Article 114 :
(1) Le suspect arrêté el flagrant délit est déféré par l'officier d police judiciaire devant le Procureur de la République qui procède à son identification, l'interroge sommairement et, s'il en gage des poursuites, le place en détention provisoire, ou le laisse en liberté avec 0 sans caution.
(2) Dans tous les cas, le Procureur d la République dresse procès-verbal de SE diligences et en cas de poursuites, tradu le suspect devant le tribunal à la plus pre chaine audience.
(3) Les dispositions du présent aJrtiei ne font pas obstacle à ce que le Procuret de la République engage des poursuit par voie de citation directe ou requière l'ouverture d'une information judiciaire.
Article 115 : En cas de mort suspecte, l'officier de police judiciaire informé en rend compte immédiatement au Procureur de la République.
Les dispositions des articles 104 et suivants sont applicables.
SECTION III
DE L'ENQUETE PRELIMINAIRE
Article 116 :
(1) Les officiers de police judiciaire et agents de police judiciaire procèdent aux enquêtes préliminaires soit sur leur initiative, soit sur instructions du Procureur de la République.
(2) Les originaux des procès-verbaux de leurs investigations doivent être adressés à ce magistrat dans les meilleurs délais.
(3) L'Officier de police judiciaire est tenu, dès l'ouverture de l'enquête préliminaire et, à peine de nullité, d'informer le suspect :
- de son droit de se faire assister d'un conseil ;
- de son droit de garder silence.
(4) Mention de cette information doit être faite au procès-verbal.
Article 117 :
(1) Les officiers de police judiciaire jouissent, au cours de l'enquête préliminaire, des prérogatives édictées aux articles 83 à 93, 95, 97, 99, 101, 102, 104, 109, 110, 114, 115 et 116.
(2) A la clôture de l'enquête, le suspect qui n'a pas de résidence connue ou qui ne présente aucune des garanties prévues à l'article 246 (g) est arrêté et conduit devant le Procureur de la République s'il existe contre lui des indices graves et concordants.
Le suspect qui a une résidence connue ou qui présente l'une des garanties prévues à l'article 246 (g) est laissé en liberté.
SECTION IV
DE LA GARDE A VUE
Article 118 :
(1) La garde à vue est une mesure de police en vertu de laquelle une personne est, dans le cas d'une enquête préliminaire, en vue de la manifestation de la vérité, retenue dans un local de police judiciaire, pour une durée limitée, sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire à la disposition de qui il doit rester.
(2) Toute personne ayant une résidence connue ne peut, sauf cas de crime ou de délit flagrant et s'il existe contre elle des indices graves et concordants, faire l'objet d'une mesure de garde à vue.
(3) En dehors des cas prévus aux alinéas (1) et (2) ci-dessus, toute mesure de garde à vue doit être expressément autorisée par le Procureur de la République.
(4) Mention de cette autorisation doit être faite au procès-verbal.
Article 119 :
(1)
a) Lorsqu'un officier de police judiciaire envisage une mesure de garde à vue à l'encontre du suspect, il avertit expressément celui-ci de la suspicion qui pèse sur lui et l'invite à donner toutes explications qu'il juge utiles.
b) Mention de ces formalités est faite au procès-verbal.
(2)
a) Le délai de la garde à vue ne peut excéder quarante huit (48) heures renouvelable une fois.
b) Sur autorisation écrite du Procureur de la République, ce délai peut, àtitre exceptionnel; être renouvelé deux fois.
c) Chaque prorogation doit être motivée.
(3) En tout état de cause, l'audition d'un témoin ne peut seule, justifier une prorogation de garde à vue.
(4) Sauf cas de crime ou de délit flagrant, la mesure de garde à vue ne peut être ordonnée les samedi, dimanche ou jour férié. Toutefois, si elle a commencé un vendredi ou la veille d'un jour férié, elle peut être prorogée dans les conditions précisées à l'alinéa (2).
Article 120 :
(1) Nonobstant les dispositions de l'article 119 alinéa (2), le délai de la garde à vue est prorogé, le cas échéant, en fonction de la distance qui sépare le lieu d'arrestation du local de police ou de gendarmerie où elle doit être exécutée.
(2) La prorogation est de vingt-quatre (24) heures par cinquante (50) kilomètres.
(3) Mention de chaque pro.rogation est faite au procès-verbal d'arrestatio.n.
Article 121 : Le délai de la garde à vue court à partir de l'heure à laquelle le suspect se présente ou est conduit dans les locaux du co.mmissariat de police ou de la brigade de gendarmerie. Cette heure est mentio.nnée dans le registre de main courante et au procès-verbal d'audition.
Article 122 :
(1)
a) Le suspect doit être immédiatement informé des faits qui lui sont reprochés et doit être traité matériellement et moralement avec humanité.
b) Au cours de son audition, un temps raisonnable lui est accordé pour se reposer effectivement.
c) Mention de ce repos doit être portée au procès-verbal.
(2) Le suspect ne sera point soumis à la contrainte physique ou mentale, à la torture, à la violence, à la menace ou à tout autre moyen de pression, à la tromperie, à des manœuvres insidieuses, à des suggestions fallacieuses, à des interrogatoires prolongés, à l'hypnose, à l'administration des drogues ou à tout autre procédé de nature à compromettre ou à réduire sa liberté d’action ou de décision, à altérer sa mémoire ou son discernement.
(3) La personne gardée à vue peut, à tout moment, recevoir aux heures ouvrables la visite de son avocat et celle d'un membre de sa famille, ou de toute autre personne pouvant suivre son traitement durant la garde à vue.
(…à suivre)
Fait à Yaoundé, le 27 juillet 2005
Le Président de la République,
(é) Paul Biya